dimanche 28 avril 2013

M△S▴C△RA - Black Mass

.PLEASURELAND.

Les infrabasses dans une maison de cire, les poupées figées et les litres de têtes à terre. J'ai planté un genoux en cieux, et pris peur devant la folie stratosphérique de mon quotidien. Je pense à remplacer mon café par de la morphine. Je ne suis pas encore absent mais j'aimerais que l'on me considère ainsi, je n'ai rien choisi, ni d'être ni de ne pas avoir envie d'y être. Je suis la terre, je suis la terre.

La basse qui fait fondre les poupées avant d'exploser comme le colis piégé que je suis : un beau kamikaze. Toutes ces ondes me déforment la vue, les gens se ralentissent et prennent des airs de monstres bons pour le cirque des horreurs. La langue pendue et le regard de-même, j'avance en messie aux devants d'une foule qui ne m'acclame pas, ne me connais pas, se ralentit, se ralentit. Un mauvais film, qui n'est pas un navet puisque c'est ta vie. C'est une parodie. Une VHS de série-B qui aimerait se retrouver dans la section chef-d’œuvre mais qui n'amène que regrets. De l'avoir vu, acheté, consommé, avalé. On en a bu les images sans qu'elle ait la politesse de nous regarder, et ce n'est pas une question de perspective, tout est à chier. Boire sa propre vie est à chier, et quoi que je dise c'est déjà terminé, ma mauvaise foi l'emporte, il n'y a plus rien à sauver. Tout est effrayant, grouille, de ma tête aux petits-déjeuners. Ma solution n'est pas de le prendre avec le sourire. C'est de le prendre tout court. Contre un mur, ou sur la table, sauvage, prendre le temps par derrière.




Je ne joins pas ici une piste de Black Mass, mais bien une sortie sur une petite compilation, tout simplement car elle représente mieux l'univers du groupe. Et que c'est à mon goût la meilleure. Pour ce qui est de M S C RA, le projet en lui-même lorgne vers la witch house et le dark ambient. Rythmiques posées et entrainantes sur fond de chants et samples possédés, profondément tristes. Un excellent projet de ce genre souvent poubelle - qui me fait en un certain point penser à ∆aimon.
Voici le bandcamp pour Black Mass ainsi qu'un clip de la chanson B()nes.
You can't bite your own teeth.

samedi 27 avril 2013

La Caveau de l'Empereur IX

Worship the Black Arts.

lundi 22 avril 2013

Unesco Collection - Aka Pygmy Music

Sur Abet Cuces tout se fait sans ménagement, mais non sans raisons. Discrets auditeurs de musique rituelle reconstituée, grands amateurs d'ambient dépouillé et amants du black metal des tréfonds de la terre, une chose est récurrente : la recherche de cette honnêteté, de ce sentiment grisant du contact des forces ancestrales, bien plus grandes que le mince homme. Cette émotion que Robert Plutchik décrit comme un émerveillement effrayant : the awe.

La musique africaine a trop tendance à être assimilée aux percussions, au rythme tribal, certes très important mais bien trop réducteur.
La musique pygmée, et plus spécialement celle de la tribue Aka, est une musique très complexe, par son rythme, son harmonie et son sens spirituel.
Ce peuple nomade d'Afrique Centrale possède l'une des musiques les plus impressionnantes au monde. Tout d'abord car elle ressort d'une tradition orale, basée sur la polyphonie et la polyrythmie. L'ethnologue Simha Arom établira que leur niveau de complexité musicale fût atteint par l'Europe uniquement au XIVe siècle. Ensuite car elle est simplement envoûtante.

L'un des grands point de la musique Aka est le contrepoint. Extrêmement élaboré (à un point proche de Bach, sans ethnocentrisme aucun). L'enchevêtrement des voix et le jeu des timbres forment une musique liée, tissée et de ce fait très agréable car coulant toujours de source - bien qu'elle soit merveilleusement complexe. Qui plus est tout est improvisé, s'axant sur des grilles de séquences mélodico-rythmiques répétées, variées, toutes liées à différentes activités pratiquées mais aussi à la langue [voici un diagramme du monde musical des Aka // une partition transposée en clé de Sol]. En effet, la langue Aka est une langue à tons (fondée sur la pertinence lexicale / grammaticale des niveaux tonaux), ainsi seul une personne prononce les paroles, tandis que les autres accompagnent de syllabes afin que le chant ait une signification intelligible. Mais parfois, tous prononcent des paroles, engendrant alors chants en mouvement parallèle ou déclamation rythmique des paroles. On y entend aussi bien les femmes et les hommes que les enfants, en chœur, le tout alternant entre voix de tête et voix de poitrine.

Inconsciemment, leur musique est régie par un système de ratio (2:3), avec une métrique précise qui fait passer la majorité de la musique d'aujourd'hui pour un amas musical informe et sans rythme. Les bases que Bach a posé dans la musique, les pygmés Aka l'avaient "théorisé" à leur manière depuis des siècles. Le contrepoint chez les Aka, est le départ de la musique.



Les quatre voix d'une polyphonie Pygmée :
- Mo tangole « celui qui compte » : voix qui introduit la structure polyphonique et qui énonce les paroles du chant.
- Ngue wa lembo « la mère du chant » : ligne mélodique simple chantée par les hommes sous forme d’ostinato et partie basse du chant.
- O sese « en dessous » : chant réservée aux femmes, en mouvement contraire à la voix du mo-tangole.
- Di yei « ce qui est en haut » : alternance voix de poitrine, voix de tête à l’aide de syllabes (yodle).

Ce testament audio rend accessibles les chants d'un devin-guérisseur, ceux des rituels de la chasse, ou simplement ceux des jeux d'enfants. Le merveilleux est là, à portée de tympans.

Keep the secret safe and get it here.

samedi 20 avril 2013

Mixtape VI : La France aux Putains


clic on the pic to download

L'horreur est en marche, avec cette compile du mois - déconseillée aux moins de 18 ans. Parsemée de tous types de paraphilies, de déviations morales, de phrases choc sur la condition humaine, de maladies et de psychoses, Hitchcock x Gaspar Noé.

L'idée est venue en écoutant une fois de plus l'Ordure à l'Etat Pur de Peste Noire. Je me suis rappelé de tous ces groupes qui depuis des années maintenant, irréductibles, continuent à chanter dans leur langue. Est-il nécessaire de rappeler que dans notre Royaume de France bien aimé, nombreux sont les projets qui sortent des sentiers battus ? Les plus troublants sont ici, et marchent avec vous. A crier en français, envers et contre tous, à vomir une langue poétique qu'ils s'amusent à torturer comme de sadiques inquisiteurs. Et la langue finit par parler d'elle-même, sortir immondices, fiel et miel.

Les pistes sont indépendantes, mais l'ordre savamment choisi, ainsi même s'il est possible de sauter une chanson, pour un effet maximum il n'est pas recommandé de le faire. Préparez-vous à faire jaillir votre haine, à rester bouche bée devant ces groupes qui, dans votre langue, ne prennent pas de pincettes.

"On t'a grillé tu sais... C'est pour ça que tu ne fais que m'éviter!" (Diapsiquir)

Voici la compilation la plus sale de France.

mercredi 17 avril 2013

Gas of Latvia - Tumšupe

Les turbulences d'un autre siècle ravivées à la mémoire. Une dernière plongée dans les forêts et leur odeur de calcin, ravagées par la brume et le soleil. Une grande bouffée de letton et la mise à sac de la garde blanche, un départ de soldat sur les routes de nuit, j'oublie, mes connaissances, ma famille, j'abandonne tout ça au lointain en regardant les voitures défiler en sens inverse. Où que je sois je m'enfermerai dans ma tête, dans les murs d'une prison, fusillé contre un mur ou dans les bras de ma promise qui ne m'attendra sûrement pas. Les étoiles ont envahies ma boîte crânienne qui risque de se vider d'une balle entre les yeux sous peu. Les entrepôts abandonnés défilent, reculent, à peine éclairés par les phares du camion bâché qui nous transporte. Les lumières se perdent dans les grillages et les barbelés, les ravages au loin, des becs et des fusils qui claquent par dessus le cahot ambiant de la carlingue. J'admire avec inquiétude mon visage creusé dans le miroir de poche que j'ai gardé sur moi. En fait, je n'y vois que des rides où pourrait couler le pétrole, des yeux d'abandonné, les mêmes que mes camarades, prêts à détruire des planètes entières à la gloire du cœur.
Tous ces enfants que je n'ai pas eu et ces femmes que je n'ai jamais su aimer. Ces lacs noirs qui m'entourent, cette nuit de plomb comme un mur. Un sans-retour, un gueux, une idée, un petit murmure dans la nuit.

Que suis-je sur cette terre ? Un homme prêt à mourir. Un homme qu'on nomme volontaire. Qui sait servir et sait mourir.





Gas of Latvia, projet ambient d'Andris Indāns en Lettonie, arrive sans être martial à procurer cette sensation de départ. Un train vers le front, une dernière vision des forêts profondes, de loin, de nuit, avant l'horreur. Un immense calme, quelques bruits et la délicatesse pre-mortem. A la manière de Les Joyaux de la Princesse ou Oda Relicta, en moins martial, moins fier de la Mère Patrie, seulement portant sur la perte de tout repères et de toutes terres. Reposant, paisible et en même temps déjà enfoncé si loin dans l'infernal.

Commandez votre copie de la tape (ltd.50 avec grand artwork) sur le facebook de LoopeyTunes
Ou en leur écrivant sur leur mail
Et voici le clip de la dernière chanson de l'album.

mardi 16 avril 2013

Agdistis - In A Cold Fog Hung From A Yew Tree

Méphistophélès l'emporte au réel, Icare s’éteint par la noyade dans le sein d'Égée, immolation par les ailes. Les pièces de la maison deviennent des grottes à force de pourrir, un trou dans le mur est apparu, au dessus de l'évier. D'autres se sont bouchés d'eux-même, et les cris à l'intérieur ont disparus. Les lierres et les mousses qui pénètrent chaque centimètre me font me sentir étranger dans ma propre demeure. Je rallie souvenirs de quiétude et haine viscérale. Cette image de bouche difforme aux crocs cosmiques me hante, et je le sais, elle vous happera tous avant d'enlever son voile de galaxies. A chaque entaille que je me fais dans la paume, je défaille quelques secondes et la vois. Proche, aliénante, transportant sur ses gencives pestes et choléras de quelque monde étrange.

Tout s'est illuminé, l'appartement baignait dans la mousse, arrachée, les mottes de terres et le sang. Les néons à puissance maximum, tout brûlait lentement à commencer par la bouteille d'absinthe que j'eus dû renverser après en avoir vidé presque l'intégralité. Une petite flaque verte, une petite fée, et une statue de bois d'if sur le front de laquelle trônait fièrement le sceau de l'Adversaire. Ma figure de proue au porteur de lumière. Le sang coagule dans ma bouche, et mes yeux noircis, veines saillantes, ne répondent plus à mes demandes. Un battement de paupières plus tard les bras décharnés s'étaient remis à sortir des murs et du sol, formant en m’enlaçant un odieusement confortable cercueil. Je me retrousse, car déjà voilà le Kalki.




Agdistis est difficilement gérable. Les vingt premières minutes d'In A Cold Fog... se résument en un excellent raw black metal atmosphérique, sale et un tantinet dissonant. Puis arrive la bordélique et très noise-punk chanson Hermetic Death, le coup de latte avant de passer à la deuxième partie de cet opus diaboli. La chanson suivante, The Yew Tree, est totalement hypnotique, proche d'Urfaust à son plus sale. L'horreur est annoncée, toute la suite de la tape est démente au sens premier du terme, possédée et clochardisée au possible. Pour ce côté absolument maladif fricotant avec la fièvre jaune, le style pourrait être comparé à du Vesicus, bien que moins mid-tempo et avec plus de passages dark ambient.

"Et comme les braves femmes qui, dans les églises en ce moment, ayant appris que les bubons qui se formaient étaient la voie naturelle par où le corps rejetait son infection, disaient : « Mon Dieu, donnez-lui des bubons » [...]" (Camus, La Peste)

Tape sortie chez City of Dirt - et sold-out.
Le groupe a mis son album disponible en téléchargement ici

dimanche 14 avril 2013

Dolores - Mt. Loreto

La Nature se grave sur vinyle. Un langage, qui s'est mis à se rayer, cycliquement, en cercles concentriques, répéter les mêmes choses. Je survole les phases de l'abandon comme un loop la première neige avant d'aller se réfugier dans un tronc plein d'herbes et de branches, au chaud à l'abri des intempéries détraquées du Dehors. Les cendres du jardin d'Eden tombent, chaque hiver. Et les flocons tombent toujours sur ce visage, à ce moment entre la vie et la mort, dans une connaissance de cause troublante. L'univers s'invoque dans un mantra terrifiant, alors que l'homme renverse l'or au sol, c'est la naissance de l'automne. La terre devient dorure, la lumière drone et les balbutiements des enfants retentissent à tous les Âges.
L'innocence recommence à goutter. Rouge.

Il est le dernier à parler, car tout s'envole lentement, chacun est bouche bée si bien que l'on pourrait voir leurs œsophages. Il est le dernier, la voix pleine de reverb, à déclamer des suites de mots alors que la gravité a foutu le camp. Les icebergs montent au ciel et l'océan semble bouillonner. La poudreuse vient grossir les nuages placides et accélérés. Ma combinaison chauffe, le plastique me fond sur la peau, qu'ont-ils fait, qu'rrrrrrrrr... Les dernières visions et le vide enregistrés sur une platine vinyle portable, à destination des premières vies, un message comme un autre aux tardigrades, une bouteille au cosmique, tant que ce n'est pas un pavé dans la mare...

Remember that you have only one soul; that you have only one death to die; that you have only one life, which is short and has to be lived by you alone; and there is only one Glory, which is eternal. If you do this, there will be many things about which you care nothing.
 (St. Theresa of Avila)


Dolores, après un To Die No More qui était le meilleur album de 2011, sort ce Mt. Loreto qui est d'ores et déjà le meilleur disque drone de cette année MMXIII. Toujours aussi cotonneux, mais aussi plus doom par moments, on reconnait la sonorité absolument pure du projet - une véritable identité sonore se fait sentir, jusqu'au traitement du son de la batterie. Un contact direct avec l'univers entier, la transcendance, la connaissance dans la recherche. Pour l'avoir écouté toute une nuit sans discontinuer, avec l'album précédent, je peux témoigner du fait que la lenteur globale de cet album doit être prise comme un rituel, une prise de risque - l'expérience d'un état de conscience altéré, une rencontre divine. Une nature, une spiritualité, mise en musique comme on le voit extrêmement rarement. Comme le dit lui-même l'artiste, c'est un moment parfaitement balancé entre la vie et la mort, une connexion à la perte. Mt. Loreto est une contemplation, un yantra.

Sortie prévue en tape chez Fern and Moss.
Album dédié à L.H. Smith.
Article dédié à R. de la Rosa.

samedi 13 avril 2013

Le Caveau de l'Empereur VIII

C'est samedi, et comme chaque samedi, je sais que vous êtes nombreux (ou pas) à attendre votre ration de dégénérescences auditives. N'ayez crainte mes braves, l'Imperatør est là. Abreuvez-vous, mes chères brebis, abreuvez-vous des eaux noirâtres extirpées des plus profonds puits de l'Enfer. Puits dans lesquels ont copieusement uriné et déféqué les quelques groupes de ce soir...
...
Bon ok, c'est dégueulasse.

Listen & enjoy !
Ou pas.

vendredi 12 avril 2013

Rhinocervs - RH-15

Lentement, lentement.
Rampe, les doigts en prière, sans jamais lever les paupières aux cieux. Coule, sans discontinuer, à régner sur les royaume du dessous, et ressurgir par surprise pour pêcher les étoiles. Dévore, sans prendre le temps de faire attention. Lentement, ouvre les crocs avec le scintillement du diamant, et dévore, avale la création sans regrets. Enfin extirper le rugissement du lion !
Ceux qui me renient m'ouvrent leurs chaires, et oublient sous mon aile néfaste leurs psaumes. Ils n'incantent plus mais décantent dans l'absolu et le pourrissement de leur ego. Esclavagistes du cosmos, perdus à flotter dans la matière noire, patiemment. Son Règne remontera, projeté d'un volcan, pour ligoter le soleil et menotter l'infidèle, tromper ceux qui avalent leurs propres mensonges. A la saillie des serpents dans les profondeurs, aux râles d'Amour salissants l'Eden, une arrivée étrange - les pluies de pommes et le verbe de Caïn !

Les Choses Vivantes, ah, seront dévorées par planètes. Les bouches de l'Enfer d'un coup de contrées inexplorées sortant, rouges, dégoulinantes de chaires semblables à d'immenses intestins. Ils courent ils crient, les éclats de verre dans les yeux ! Jouissances inouïes, alors que j'appose ma main à la marque sanglante sur les tripes de la terre.
This blackened fire was hidden from all who were blind of the mind - Yet could be clearly seen by those accustomed to seeing in darkness - Just as my names are many, so are my forms and faces.



Rhinocervs est un label de Los Angeles, connu pour ses sorties sans titres. Groupes et chansons ne sont que rarement nommés (sauf pour Odz Manouk par exemple), nous donnant ainsi des entités occultes encore plus intéressantes. L'anonymat total est aussi une forme de dévotion à la musique. De la musique, uniquement, le reste est sans importance. Rhinocervs, si vous y êtes habitués, sort souvent d'intéressants travaux, particulièrement Black Metal (l'excellence même depuis RH-11) et toujours très originaux. Il y a toujours une recherche, que ce soit dans le son, le riffing, qui fait de ce label l'un des majeurs de la scène US.

RH-15 n'a strictement rien à voir avec tout ça. La majorité de l'album renvoie à des sonorités proches de Böhren & Der Club of Gore, dark ambient presque jazzy et rampant. Pas mal de pistes au synthé aussi, cette fois invoquant plutôt un Lucio Fulci des grandes heures ou même un glaçant Hermann Kopp. Cette tape emprunte en fait beaucoup au style BO années '80, si cher à nos yeux. Une seule piste est réellement black metal, la VII - atmosphérique comme à leurs grandes heures. La dernière plage quant à elle est sûrement l'une des meilleures, hystérique, funéraire et avec un son vraiment très très spécial.
Il ressort une atmosphère totalement incroyable de cette cassette, souterraine et stellaire à la fois, entre série B et chef d’œuvre chiadé. La procession arrive, enchaînée. Lentement. Tout est scellé.

Le site de Rhinocervs pour vous procurer cette merveille et toutes les autres.

lundi 8 avril 2013

Autumn Grieve - Stray Birds

Do not close your throat.

A la fonte des neiges, l'éternelle naissance sur le retour, qui feuille à feuille émiette la glace pour y faire paraître ses bourgeons de verdure encore blanchie - les cristaux de glace qui rongeaient les branches s'envolent. La noirceur rentre en terre alors que la faune s'en dégage. Les traces des bois de cerf apparaissent sur les souches défoncées, et les rivières sont sillonnées d'eaux si translucides que l'ont pourrait y voir naviguer des hydroïdes.

Le bois d'if des rives pendant gentiment sur les courants encore froids des hivers, comme des mains de racines rances la gorge ouverte buvant l'eau claire. Les roches, timides lévitant, éléments absents des sols maintenant, parcourant les mi-cieux comme les chouettes. Sans bien sûr leurs hululements nocturnes - mais peignant le paysage d'une attention stellaire splendide. Sur le départ, toujours plantant un genou en terre à mon roy, son honneur solaire et ses rayons gras. A simplement marcher sur les lacs hurlants, évitant tant bien que mal les pierres suspendues en l'air en marionnettes granitiques statiques. La tête dans l'herbe humide, les joues saumonées, en observant la lévitation de cailloux et les oiseaux perchés dessus, qui s'ébrouent avant les premières pluies de mai. Tout est délicat, soudain, paisible, à la manière d'un spectateur endormi - et non du calme avant la tempête. Machinalement à arracher quelques touffes d'herbe, l'appel de la marche monte en cœur hululant percé saignant de chaire rose rouée de caresses.




Enregistré en Angleterre, Stray Birds d'Autumn Grieve est l'un des albums de folk les plus aériens, adorables que j'ai entendu. Une voix douce sur un piano discret, quelques cordes et une guitare. Impossible de faire plus classique, mais l'album est si joli et simple qu'il en est très touchant. Une recherche de la sensibilité, à la limite de la comptine, emprunte d'un certain mysticisme. Assis, dehors, en regardant les choses et les gens passer, il prend tout son sens. Richard Skelton n'est pas si loin de la psych-folk d'Arrowwood. Léger, paisible et boisé.

Tout se trouve directement sur le site du projet, avec des packagings beaux et sobres.

samedi 6 avril 2013

Le Caveau de l'Empereur VII

L'Imperatør est de retour, pour vous jouer de mauvais tours !
...
Bref, sans plus de cérémonie, reprenons nos bonnes habitudes et envoyons-nous une bonne dose de pus bien dégueulasse dans les oreilles.


jeudi 4 avril 2013

Semilanceata - En wallmoburen myhr, där döön grödha mellom bitter root ok frucht

"A poppyattired mire where death germinates among acrimonious roots and fruit." (Semilanceata)

Dans le coin, là-bas dans l'ombre, l'être difforme, deux doigts tout au plus, m'observe. Ses mouvement soudains m'effrayent, il me fixe - même si je ne puis distinguer ses pupilles dans le noir - en mâchonnant sa propre salive. Cela produit le bruit d'un cafard flytoxé. Il est recroquevillé, maigre à en mourir, et bien que je sache qu'il ne me sautera jamais à la gorge sa présence me tétanise. Dans le coin du parc d'attraction désaffecté de Pripiat, près de Tchernobyl, aux tobbogans-gueules de lapin béantes, le "Tunnel of Love" toujours aux petits néons roses, mais couvert d'herbes, et décrépit au possible. Il reste des enfants, contrairement à ce que l'on peut penser. Hydrocéphales, ou cancéreux dès le plus jeune âge. Mais il en reste et, n'ayant pris aucun organisme de voyage, je me confronte à la faune, à ces derniers humains fleuris de nucléaire, les bras fins comme des crayons et la peau noirâtre, ou les yeux à la mauvaise place. Ce n'est pas dans l'ordre des choses ; cette ville transpire l’hérésie.
Tout est recouvert de plantes, ici, verdi et couru presque uniquement par des chiens errants. La population locale semble survivre, bien que le taux de mortalité ait largement connu un pic, mais ne semble avoir aucune coutume si ce n'est des actes de barbarie primaire et une culture rudimentaire de la flore que je ne prendrai pas la peine de relever.
Il n'y a que Poncho (je l'ai appelé comme ça car il revêt toujours un long sac plastique bleu sur lui), qui semble perpétuer un semblant d'art, de ses doigts montés à l'envers sur ses mains. Il a un problème œsophage, et ne communique ainsi que par le regard - ce qui je dois le reconnaître est très troublant, aux vues de ses pupilles bleues perçantes. Poncho joue d'une sorte de guitare désaccordée à un doigt, sur des accords bien précis - bien que je ne les connaisse pas. Sûrement une vieille Rodriguez, le manche voilé et les cordes rongées. Il s'agite en rythme, les chaines qu'il porte sur le dos formant un genre de percussion damnée. Étrange ultime coutume du lieu, comme un rappel à une humanité qui oublie ses propres enfants. Je suis resté là, des heures, à réécouter cet enregistrement sauvage que j'en ai pris, sur mon vieux transistor.




Semilanceata est très spécial. Une folk réduite à la simplicité la plus débilitante : une "guitare" complètement désaccordée, un vieux tambour / batterie et quelques artifices analogiques comme des bruits de chaîne - ou apparentés. Représentant dégénéré d'une freak folk déjà spéciale, il en arrive en fait au troublant. Un digne héritier des Légions Noires, opaque, dissonant, comme l'est en son genre la noise : débile au sens propre du terme, mais convaincante. Oh dieu que Semilanceata l'est, En wallmoburen myhr... fait frissonner, et je ne peux m'empêcher de me dépeindre des paysages sortis du Stakler de Tarkovski, ou d'un La Colline a des Yeux en opéra grandeur nature. Un rejeton bâtard s'exprime, soyez prêt à en ressortir glacé.

mardi 2 avril 2013

T.O.M.B. - Third Wave Holocaust

Total Occultic Mechanical Blasphemy. Le Diable en l'Homme - porteur des flambeaux.

Les vents contraires, de champs blasphématoires indescriptibles, ressortissants de tortures et de maladies incurables. Le seuil à ne pas franchir que j'ai violé, toujours plus bas, pour Lui, vers Lui. L'immonde géhenne d'énergie pure noircissant d'un coup de pinceau la Création, me happant dans le daath, et je ressentais pour la première fois ce grisant amour. Aucun exorcisme, maintenant, ne pourra évacuer ces gorges immondes et gigantesques polluant mon âme ; ces alcools et ces folies que j'eus l'audace d'user pour prématurer mon décès n'étaient que cannelle, sucraille saupoudrée sur un temps inexistant. Ici rien ne s'écoule, tout se meut, d'un maléfice inexorables, intraitable, assourdissant. L'occulte fielleux, de mucus proche du placenta d'une horreur. L'inversion totale. L'antagonisme effarant, et l'Adversaire, partout.

Le qliphoth, territoire Edomite de ceux qui sont morts fous, d'une tentation si puissante qu'elle n'est plus de noire mais rougeoyante. Je me sens observé de partout, le pus suintant des murs humides, par Celle Sans Visage. Tout vit, phallique, et m'appelle - j'accours. Cet amour sans limite de Pan dans ma marche infernale, plus profond, plus loin, dans ce monde où le concept de lumière n'a jamais vu le jour. Je retrace le chemin malgré moi, du Dragon à Huit Têtes, et espère, avant le vide de l'extinction personnelle, atteindre le fruit nocturne de mon voyage : la tête divine et ses aortes pissantes. Kether. Virgile ne me guide point, ma solitude extrême me joue des tours, et autour des tunnels de ces coquilles sacrilèges s'accroissent pléthore d'êtres si difformes, rouges et si glaçants, que je m'oblige à ne les fixer jamais. Du coin de mes yeux je sens leur regard de haine sainte et superbe. Je succombe en fait, brise la coquille en un souffle saturé et laisse mon corps léviter jusqu'à leurs gueules divines, devenir lambeaux dans ce cosmique inversé, redevenir le primal, Dieu.

Je suis la flamme qui brûle dans le cœur de tous les hommes et au sein de chaque étoile. Je suis la vie et celui qui donne la vie, cependant avant est la connaissance de moi, la connaissance de la Mort.

T.O.M.B. livre avec ce Third Wave Holocaust un rituel industriel, noise même. Un voyage aux tréfonds de la cruauté, du blasphème, et de l'état primaire humain. Textes déclamés d'une voix féminine (par une certaine Hekte) et souffles saturés se mêlent, annihilant tout. Enregistré, comme à son habitude, dans des lieux emprunts d'énergie négative (field recording dans des hôpitaux psychiatriques condamnés aux histoires sordides, où le musicien NoOne tape sur les murs, etc.), le contenu analogique se révèle du coup assez proche d'un Neubauten, du moins dans l'idée. La reverb et les échos incessants créent une véritable vibration, malsaine au possible, accompagné le plus souvent de percussions ajoutant un rythme induisant très vite une transe - mais aucune lumière ici-bas. Peut-être à la croisée de la noise nipponne dans le goût d'Incapacitants et d'un Aluk Todolo ultra ritualisé, Third Wave Holocaust est un successeur plus que digne à UAG - où rappelons-le, la chanson "Cadaver Transmissions" était la capture audio d'un micro raclant sur un corps en décomposition. Au-delà de la musique, T.O.M.B. se place au bord du précipice. NoOne en représentant - si l'on peut dire car c'est un projet très personnel - d'un genre de nécromancie en contact avec des puissances oubliées, niées, extrêmement touchant en ceci que c'est un projet captant des essences, et ne donnant pas dans la recréation de sentiments ou d'harmonies. C'est un Art Brut. Un délice qui n'est pas sans évoquer le souvenir d'un certain fruit interdit. Total fucking necro.

Premiere! Streaming de "Antagonizing The Unknown", la piste d'entrée de l'album.



Bientôt un label pour vous offrir ce bijou.

Pour une expérience proche, referez-vous à Deathstench.

lundi 1 avril 2013

Découverte : Berlin School et Décapitation

"Looking for consciousness in the brain is like looking inside a radio for the announcer."
- Nassim Haramein

Sur ces valeurs psychonautiques, je présente ici-bas deux découvertes, deux groupes non-signés et n'ayant "rien" sorti mais néanmoins regorgeant d'originalité et de qualité. Musiciens itinérants, déambulant dans d'autres niveaux de conscience, altérés bien-sûr, mais aussi des parts de vies, des histoires imprégnées dans le son comme une entaille gravée dans une grotte. Des photogrammes de nerfs qui se tendent et se détendent, sur et sous tension artérielle.

Le premier ayant retenu mon attention est Riccardo Lucchesi, qui est en réalité une moitié de Perinde ac Cadaver dont j'avais parlé il y a de cela quelques mois. L'électronique complexe aux métamorphoses étrange, semblant répétitive mais sans cesse évoluant, émergeant lentement et immergeant les sens, fonctionne sur les mêmes règles que Perinde. Composition modulaire live, toujours sur un son rond, très Berlin School, proche de Tangerine Dream en ceci qu'il est aliénant tout en semblant parfaitement normal. Les morceaux sont hypnotiques de par leurs lentes structures, agrémenté de plus en plus de nouvelles folies et de nouveaux effets au fil de l'écoute ; l'univers sonore n'a de cesse de s'enrichir. Très Ultramondes dans le style d'imaginaire, en fait - bondé, d'outre-espace et acide. Analogique, psychédélique, aussi proche d'une psytrance que des travaux occultes de Coil, comme sur "Involved in Crime" où le balancement droite-gauche rappelle furieusement le ELpH, bondé de sonorités industrielles en plus, Riccardo Lucchesi se révèle être l'un des grands de la musique électronique de nos jours.

Ci-dessous, "Flourish", issu d'un projet non-abouti (pour le moment) appelé Star Void.


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La seconde découverte est une élévation différente, où se mélangent le sinistre et l'impie. Voici le travail de Dana Angela Perez Marin, lorgnant élégamment vers le Dark Ambient et l'electro-acoustique / acousmatique.

L'importance de cette pièce réside notamment en la dimension historique, si ce n'est sociale, qu'elle transporte. Voici ce qu'explique l'artiste en parlant de cette dernière - car je ne saurais mieux l'exprimer :
"Je travaille depuis 10 ans à Madrid et j'ai fait dernièrement la rencontre d'un indien, trancheur de tête en fuite, qui enregistrait ses cérémonies de tuerie. Il travaillait pour un Cartel. La décapitation est une pratique courante au Mexique. [...] Toute décapitation renvoie à l'histoire de Persée allant chercher Méduse mais aussi au sacrifice de Mishima, le meurtre d'Holopherne par Judith, Salomé et la tête de Saint Jean-Baptiste, les photographies de Joel-Peter Witkin. Les registres du beau, du sublime et du sinistre font intervenir à la fois le sens de la norme et la sensibilité humaine.
La décapitation triomphe de la panique."

Son travail poétique sur toute ce pan de l'histoire prend un sens horrifique - car les enregistrements de cérémonies sont, j'en ai bien l'impression, compris dans cette œuvre de dix minutes. Poétique car la musique joue ici avec les césures, les résonances, le fracas impalpable d'arrière-plan et l'analogique étrange, coupé, du premier plan. Sortes de sons industriels, ici aussi, de field-recordings, de voix en espagnol déclamées figées dans le temps. Une harmonie du crime, surabondante, où chaque note prend racine dans un symbolisme et un engagement. Une réflexion sur l'Eros et le Thanatos, l'érotisme de la décapitation - au final très phallique et humiliante. C'est cette tête, encore pensante, que l'on exhibe à la foule pour que sa dernière vision soit sa famille. Ce symbole puissant, sur lequel à été commis l'irréparable, et son cortège de beauté absurde. Un travail poussé, médité nous est livré ici. Loin d'un instantané, il s'inscrit dans une histoire humaine qui perdure de nos jours. Non dans le courant mais dans l'âme, la Francisco de Goya de la musique ?
Le reste des morceaux disponible est, dans un même ton, très expressionniste. Très passionné.

Voici la pièce "El triunfo de Pan" dont j'ai parlé.