lundi 2 avril 2012

Alva Noto // A.Moor // A-J.Chaton - Décade

Les "pop", les "clac", les "bip". Autant de craquements que l'oreille s'est habituée à écouter avec les bobines des vieux films. Recherches minimales. Concrètes. Electro. La pureté de la musique, retour dans le passé, dans le son d'un monde sur écran, muet. Le film. Mémoire sourde, ancrée dans chaque mémoire. Ces "clics", ces "shhh". Reconstruction musicale de bruits, inexistants au quotidien, mais inévitablement liés à lui par les pellicules qui l'ont filmé. Cet "infini du silence matérialisé" comme dirait Éric Loret.

Huit jours pour une décade.

Alva Noto nous y a habitué, à cet étrange froideur, depuis les années 2000. Son dernier né Univrs en est l'exemple flagrant. Des pops doux, éphémères, des rythmes simplifiés, musique désincarnée et sans aucun artifice. Machinal, mais pourtant si humain. Source de la musique, simplifiée, simplifiée, simplifiée, qui tente par moments de s'extraire de sa condition, de muter dans son carré de 0 et de 1.
Mais DÉCADE n'est pas uniquement Carsten Nicolai. C'est aussi Anne-James Chaton (poète sonore qui a travaillé avec The Ex, Carsten...) et Andy Moor (The Ex). Réunion de fidèles, donc.

Alva Noto s'écarte de ses plongées habituelles dans un océan de "chhh" décharnés. Ou plutôt, il conserve son style, mais l'oriente vers un nouveau genre.
Là où Univrs était vraiment une néantisation de la musique, ce nouveau travail s'oriente vers des sphères beaucoup plus contemporaines. Il tirait et revenait à l'essence du son, puisant dans les rythmes millénaires (la musique - humaine du moins - vient de la percussion). Aujourd'hui, ce trio s'oriente vers ce que j'aurais l'audace d’appeler de la "cinématographie sonore". Bruissements Kodak et coupure de courant dans la salle.
Cinématographie à cause du travail sonore de C.Nicolai, donc, mais aussi à travers le travail de poésie de A-J.Chaton. Le spoken-word prend une tournure étrange, mi-anglais mi-français, avec un accent troublant (quelle voix, ce monsieur Chaton!) et même certains textes en japonais. Une histoire décousue du quotidien. C'est glacial, c'est machinal ; routinier.
On sent la petite patte de The Ex, aux guitares. Discrètes mais inspirées.
La tristesse pratiquement nihiliste des déplacement d'un homme, qui vit. Qui vit pour vivre. Il est. Il bouge. Il voyage. Parfois, il téléphone.
Glaçant.

Une œuvre assez totale, assurément urbaine. Éthérée. Musique contemporaine minimale teintée de post-punk.
On se sent coincé dans les rails d'un métro, à écouter ce dernier passer, revenir, repasser. Sa bio à la main. Une bio où il n'y a rien. Sauf des moments que l'on pense insignifiants de notre vie, et qui pourtant la constituent.
Si vous n'avez pas peur des explorations sonores, chaudement recommandé.

Débrouillez-vous pour trouver.

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