vendredi 10 août 2012

Astral Lueur - Umbra Lemures

Le petit matin se lève, la cabane tient bon. Les portes claquent comme les serres d'un corbeau. J'ai l'impression que les murs tremblent, et me veulent. J'ai l'impression que ce matin a été ravalé par la nuit.

Pourtant on me l'avait dit. Ils me l'avaient dit, que Demerdzhi pouvait être un endroit étrange. Mais je ne voulais pas entendre.
Seulement m'isoler. M'isoler. M'isoler.

N'avez-vous jamais entendu la musique d'une chambre, aux heures les plus noires ? J'ai toujours la sensation que des violons jouent, au-dessus de mon crâne.

Ce coin, je n'ai jamais osé y aller. Juste derrière ma chambre - où mon lit en hauteur commence à coller, a cause de l'humidité et de diverses fluides - il y a ce petit coin. Je l'entends. J'entends sa bouche et ses ongles former une mélodie qui me rappelle les pulsations de mon sang. Il fait si froid. Et pourtant je boue.

Ce n'est pas cette chose, là-bas, qui crie. C'est moi. Elle me fait peur, à être recroquevillée comme ça. Je ne suis là que depuis quelques semaines et je sens déjà que mon regard se vide. Elle me tourne le dos. Ses mains près de sa bouche, comme si elle mâchonnait quelque chose depuis tout ce temps. Sa colonne vertébrale est saillante, et noire. Tout comme le sol. J'ai oublié de retirer mes bottes, de retour du marécage.

Les pièces sont vides, et les fenêtres calfeutrées. Seul un vieux piano aux angles métalliques noircis et une machine pour moudre mon café - qui n'a pas encore servie, mais qui est déjà pleine de poudre charbonneuse.
Une semaine de plus, sans dormir. Je n'ai pas de miroir et je ne sais pas à quoi je ressemble. Je sens juste ma colonne se courber, sous le poid des nuits interminables. Les arbres ont commencés à rentrer dans la maisonnette. Et le bois à gondoler.

Elle commence à me rappeler Anna. Dans le fond, je ne sais pas pourquoi. C'est sûrement car c'est la seule forme de vie aux alentours. Je ne vais plus pouvoir me retenir longtemps. Et de toute manière, je commence à lui ressembler. Je me suis même attaché des grelots le long du corps. J'ai l'impression de devenir un peu de cette maison-musicale.

Ce matin je suis allé la voir. Elle n'a pas tournée la tête. Toujours les mains à la bouche. Quelques secousses nerveuses. J'ai tendance à me dire que je suis un peu devenu comme elle. Une partie de cet endroit. Enraciné au sol. Le calme me tue, et les murs cerclent mon horizon. Je me suis mis sous elle, à plat ventre, et je me suis endormi, alors que des gouttes d'eau me tombaient dessus.

La vermine a tout infestée. Le plafond s'est mit a moisir, et la maison semble respirer. Elle n'a pas bougée. Je suis toujours sous elle. J'attends que les gouttes me transforment en flaque noire. J'attends, en chantant.






Astral Lueur est un groupe de dark ambient Ukrainien portant sur les lieux abandonnés, sombres et aux atmosphères oppressantes. Le principe est de se replacer dans l'histoire des lieux et d'en mettre le ressenti dans la musique - il faut dire que c'est très réussi.
Extrêmement angoissant et original (divers instruments, cordes, ou vents!), le groupe mélange une ambiance proche du film Vampyr (Dreyer, 1932) avec des relents black metal, jazzy (!) ou encore rituels.

Sorti chez RadicalMatters Editions que je remercie grandement pour son soutien !
A bon auditeur, salut.

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