jeudi 5 juillet 2012

Dapnom - Paralipomène à la divine comédie


Dapnom, si vous ne le connaissez pas déjà, est un one-man-band parisien bien dérangé ayant officié dans les méandres de l'Underground durant huit ans.
Le groupe est assez connu pour ses K7 couvertes de différents "liquides corporels" et ses ambiances malsaines à souhaits - chose qui jusqu'à maintenant ne m'avait absolument pas touché.
Mais voilà que sort en 2011 chez Necrocosm (en distribution, car produit chez MorsUltimaRatio) ce "Paralipomène à la Divine Comédie".
J'ai commencé à m'attacher à Necrocosm depuis Neo Inferno 262 et Diapsiquir, deux groupes que j'affectionne énormément, et me suis dit que, pourquoi pas, ce nouveau Dapnom pourrait être sympathique.

Bien que l'artwork de Métastazis ne soit qu'un hommage ou un pompage direct de "I would call along upon her name" du grand illustrateur-peintre-verrier Harry Clarke, il est réussi, et m'a aidé à pénétrer l'univers quelque peu étrange de Dapnom.

"Paralipomène à la divine comédie" serait, si l'on en croit le titre, un genre de supplément à cette œuvre de Dante. Le récit poétique contient trois cantiques de trente-trois chants chacun - contant l'Enfer, le Purgatoire puis le Paradis (illustrations de G.Doré).
Or, nous pouvons noter les soixante-six pistes de l'album de Dapnom - référence aux trente-trois chants, donc, ce qui nous permettrait d'avancer que le disque ajouterait deux cantiques.
Le son est en effet seulement esquissé dans les différentes - et longues - pistes, et à l'inverse des autres productions du groupe, on peut clairement dire que c'est beau. Il y réside, du moins pour les trois premières pistes, une beauté flouée, et une force toute contenue. Lisse et paisible (III), "Paralipomène" sait aussi se faire inquiétant (II) et assombri, mais reste quoi qu'il en soit extrêmement doux.
Les field-recording de pluie, de cloches et de nombreux sons d'extérieur côtoient des guitares aux larsens fins et des claviers aériens que me font penser, cela tombe bien, à la vision que j'ai de l'Empyrée de Dante/Doré. Tout se mélange, les souvenirs ressurgissent comme un appel à ne pas remplacer sa mémoire par une béatitude absolue, les sens s'affolent, la chaire et les désirs se mêlent au Divin, et une lumière teintée de noir nous captive, sans vouloir ni pouvoir en détourner le regard.
Tamisé, couvert de papier calque, tout s’efface et la vision se trouble, la révélation est un leurre et me voilà absorbé par le Silence.

Les pistes I, II et III terminées, nous voici face à soixante-trois pistes. Les pistes quatre à trente-deux sont de courtes plages silencieuses, tandis que les pistes trente-trois à soixante-cinq sont en réalité, bien que presque inaudibles, des sons répétés devant accompagner une transe afin de déboucher sur l'ultime et dernière piste : "Action De Grâce".
Une vingtaine de minutes de silence. Mais le silence n'est-il pas parfois plus puissant que la musique elle-même ?

Action de Grâce, la chanson LXVI (66) est d'une douceur, d'une puissance, d'une complexité hors-norme, et malgré une dizaine d'écoutes j'ai toujours du mal à l'appréhender.
Orgasmes (au sens propre) rituels dans une fange d'anges rayonnants, souillure divine d'un monde à l'agonie ; l'ire se voit dévorée par les mille bouches du calme, dans une orgie de volupté.

Bien au-delà de tous les méfaits de Dapnom, cette galette se révèle entre ombre et lumière, là où le chamanisme côtoie les prières chrétiennes, et elle nous fait nous sentir minuscule par un enregistrement qui pourrait très bien être celui du couinement des étoiles...
Je vous laisse sur un poème d'un certain A.N.S. et sur la piste I de douze minutes - en exclusivité sur Ambient Churches - de cet album des plus déroutants.


"Je vous appelle à la vie, ô forces mystérieuses !
Noyées dans les obscures profondeurs de l'esprit créateur,
craintives ébauches de la vie,
à vous j'apporte l'audace !" 

- A.N.S. 'Le Poème De L'Extase'

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