CDr comme à son habitude, Ilyas nous
transporte dans un monde à la fois glacial et désertique, Chelsea
Wolfe-isant, où la guitare s'enflamme et le chant crache la bile.
Dans une simplicité analogique débilitante, il nous emmène –
sans nous prendre la main toute fois – dans un Moyen-Orient fantasmé, sur des souvenirs fumants, emprunts de rituels inachevés,
et des bêtes qui n'ont finalement pas été sacrifiées. Entre parole
et chant, chien et loup, il nous berne tout au long de l'album, dans
une folk de fin du monde dont nous autres, hères, prenons un malin plaisir
à nous en délecter. Naqi me ferait penser à un sentiment
assailli soudainement de tristesse, qui se plaint, se débat mais
survit dans quelques soubresauts de joie.
Les lèvres rougeoyantes qui courent
sur les cordes tranchantes de la guitare, parcourant le manche sans
s'arrêter de se couper. Quelques papiers découpés de magazines et
collés sur la caisse de la 6-cordes. La langue entre le Mi et le La,
se balançant. Les dunes salées réveillent la douleur des coupures,
mais elle oublie, elle oublie. Elle contre le poids du ciel avec ses
quelques notes.
"All my
gulls have taken flight; they will no longer roost on these outcrops."
Au cœur du désert, amer, plaintif, à
vous perdre dans les drones et les tempêtes de sable, vous croiserez
sûrement un mirage d'Ilyas Ahmed. Jamais réellement présent,
jamais réellement absent – le feutre enflammé de sa guitare
tirant au ciel les quelques dernières stries de couleur jusqu'à le
rendre monochrome. Il implorera les nuages de vous encercler et les
djin de vous jouer des tours. Dès lors, plus rien à faire
qu'une crise de lente épilepsie au rythme des accords, et de suivre
ses cordes vocales, chemin direct vers un rassurant Acheron.
La folk lo-fi d'Ilyas est loin d'être
passée inaperçue, mis à part ce disque qui a très peu fait parler
de lui. Et pourtant, ce petit CDr est passionnant du début à la
fin, entre des rythmes du moyen-Orient et un rock / folk poussiéreux,
chaud et rêveur. La guitare électrique tout juste saturée se
trouve parfois retournée, ce qui donne des solo hors du temps, hors
du monde, presque comme des cordes frottées. Au delà de l'instru,
Ilyas Ahmed a bel et bien gardé sa voix envoûtante et déformée,
analogique à souhaits, peut-être ici plus encore que sur les autres
albums. Naqi est un vrai vitrail : travail
d’orfèvre, aux couleurs chaudes, mais qui peut se révéler
glaçant au bout d'un certain moment.
Thanks Jacques pour cette belle découverte. C'est typiquement ce dont j'ai besoin pour bosser à la BU.
RépondreSupprimerJ'ai fait un tour sur Immune Recordings pour pécho ses skeuds: SOLD OUT. Ilyas a proposé Naqi en téléchargement gratuit ou t'es un putain de pirate ?
Ça fait déjà la troisième fois. Jaaaacques.
RépondreSupprimerImmune a été pillé oui, et sur discogs le disque est à 30€. Je ne suis pas un putain de pirate, donc, mais la politique du blog étant d'essayer de filer un streaming complet des albums quand c'est possible (légalement) et que dans le cas présent c'est et impossible d'écouter et impossible d'acheter, le téléchargement est une solution non pas finale mais totalement cohérente !