"A poppyattired mire where death germinates among acrimonious roots and fruit." (Semilanceata)
Dans le coin, là-bas dans l'ombre, l'être difforme, deux doigts tout au plus, m'observe. Ses mouvement soudains m'effrayent, il me fixe - même si je ne puis distinguer ses pupilles dans le noir - en mâchonnant sa propre salive. Cela produit le bruit d'un cafard flytoxé. Il est recroquevillé, maigre à en mourir, et bien que je sache qu'il ne me sautera jamais à la gorge sa présence me tétanise. Dans le coin du parc d'attraction désaffecté de Pripiat, près de Tchernobyl, aux tobbogans-gueules de lapin béantes, le "Tunnel of Love" toujours aux petits néons roses, mais couvert d'herbes, et décrépit au possible. Il reste des enfants, contrairement à ce que l'on peut penser. Hydrocéphales, ou cancéreux dès le plus jeune âge. Mais il en reste et, n'ayant pris aucun organisme de voyage, je me confronte à la faune, à ces derniers humains fleuris de nucléaire, les bras fins comme des crayons et la peau noirâtre, ou les yeux à la mauvaise place. Ce n'est pas dans l'ordre des choses ; cette ville transpire l’hérésie.
Tout est recouvert de plantes, ici, verdi et couru presque uniquement par des chiens errants. La population locale semble survivre, bien que le taux de mortalité ait largement connu un pic, mais ne semble avoir aucune coutume si ce n'est des actes de barbarie primaire et une culture rudimentaire de la flore que je ne prendrai pas la peine de relever.
Il n'y a que Poncho (je l'ai appelé comme ça car il revêt toujours un long sac plastique bleu sur lui), qui semble perpétuer un semblant d'art, de ses doigts montés à l'envers sur ses mains. Il a un problème œsophage, et ne communique ainsi que par le regard - ce qui je dois le reconnaître est très troublant, aux vues de ses pupilles bleues perçantes. Poncho joue d'une sorte de guitare désaccordée à un doigt, sur des accords bien précis - bien que je ne les connaisse pas. Sûrement une vieille Rodriguez, le manche voilé et les cordes rongées. Il s'agite en rythme, les chaines qu'il porte sur le dos formant un genre de percussion damnée. Étrange ultime coutume du lieu, comme un rappel à une humanité qui oublie ses propres enfants. Je suis resté là, des heures, à réécouter cet enregistrement sauvage que j'en ai pris, sur mon vieux transistor.
Semilanceata est très spécial. Une folk réduite à la simplicité la plus débilitante : une "guitare" complètement désaccordée, un vieux tambour / batterie et quelques artifices analogiques comme des bruits de chaîne - ou apparentés. Représentant dégénéré d'une freak folk déjà spéciale, il en arrive en fait au troublant. Un digne héritier des Légions Noires, opaque, dissonant, comme l'est en son genre la noise : débile au sens propre du terme, mais convaincante. Oh dieu que Semilanceata l'est, En wallmoburen myhr... fait frissonner, et je ne peux m'empêcher de me dépeindre des paysages sortis du Stakler de Tarkovski, ou d'un La Colline a des Yeux en opéra grandeur nature. Un rejeton bâtard s'exprime, soyez prêt à en ressortir glacé.
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