"Ô de notre bonheur, toi, le fatal emblème !" (Mallarmé, Toast Funèbre)
Là où un groupe comme Wardruna magnifie la musique traditionnelle et rituelle de son pays, la rendant entraînante et, en réalité, la remettant du coup à jour, Yansen se rapproche beaucoup plus de la vision que l'on devrait avoir de la musique traditionnelle : un vieux sage entrain de déblatérer des mantras incompréhensibles avec les quelques dents qui lui reste, accoudé sur sa tige de chêne millénaire.
En vérité, ce Schamanensang se rapproche beaucoup des travaux de chez Aural Hypnox - où plus précisément de la "Ur-music". La musique primitive. On y retrouve des fragments proches de l'amérindien, mais aussi parfois étonnement imprégnés des chants tibétains. Le chanteur de Yansen truffe son chant de polyphonie - et au final on s'éloigne de ce "faux-rituel" qu'émule si bien Arktau Eos pour adopter le style chant indien avec un peu plus de reverb' pour un côté un tantinet dark ambient. Mais point trop n'en faut. C'est le minimum syndical, Yansen n'est en fait pas charmeur du tout : et il n'y a pas besoin de grand chose pour leur musique. Quelques clochettes, une voix d'édenté, un didgeridoo discret, un tambour plat comme l'encéphalogramme d'une huitre et une guimbarde. Pas de surfait, pas de séduction avec un mix aux petits oignons. C'est rituel, donc c'est raw, et c'est tout.
Le côté très oppressant du disque plombe peut-être un tantinet le côté authentique, tout comme le syncrétisme (culture nordique, mongol, amérindienne, vietnamienne, péruvienne, de Touva [cf.Oidupaa Vladimir Oiun], voir australienne avec le didgeridoo). Mais le fait est que le départ vers le royaume des Dieux, vers l'illumination, est rapide, inquiétant et le shamane n'est pas là pour nous tenir la main lorsque l'on combat les esprits après avoir avalé des champignons à la toxicité plus que dangereuse.
Yansen a ceci de particulier que l'on imaginerait le gus jouer au milieu de nulle part, dépouillé et rustique comme sa musique, mais ce n'est pas le cas. Le projet d'Alexei Tikhonov vient de Berlin, et donne dans une musique rituelle qui, pour une fois, ne fait pas dans la dentelle, dans la beauté ou le païen romancé. C'est rude, brut de décoffrage, et à l'univers un peu psychotique - sûrement dû aux substances souvent utilisées dans les rituels traditionnels. Enfin un groupe qui se rapproche sans trop de fioritures de l'ancien du village qui pète un câble et convulse en balbutiant des assemblages de mots dans sa langue natale.
Un groupe qui pourrait finir sur l'intéressant blog Ritualistic Nature, que je vous conseille si ce genre de musique vous intéresse.
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