Une histoire sans queue ni tête, qui se termine par une mort tout aussi étrange qu'on appelle la peine "forte et dure". Une petite gâterie consistant à écraser le corps de la victime jusqu'à ce que mort s'en suive par accumulation de pierres sur ce dernier. Corey mit trois jours à mourir, et sa femme se pendra juste après après.
Dan Barrett dans cet album s'inspire de cette nostalgie, de cet absurde digne de Ionesco. Funeral Folk serait le mot s'il fallait définir ceci.
L'atmosphère commence plombée, piano un chouilla désaccordé et voix entremêlées dans une litanie des ombres que n'aurait pas rechigné Hexentanz. Et tout au long du disque, c'est dépouillé, minimaliste. Le son est consciemment vieilli, agrémenté de samples étranges, d'orgue, de percussions rituelles... mais aussi de folk douce, aérienne et posée. Ce Giles Corey est vraiment un voyage à l'intérieur de l'âme, où les retournements d'humeur sont de mise. Je ne peux pas m'empêcher de penser à du Doom, voir du Funeral Doom à la Colosseum. Étrange car ça n'a rien à voir dans le style, mais cette beauté, cette tristesse... Ce chant offert aux émotions négatives, avec tant de calme. On pense l'album fragile, voir simple à première vue, mais c'est un géant implacable qui se rue sur notre cœur pour l'ajouter à ses trophées. Toute cette solitude, toute cette détresse, et en un premier jet. Car c'est bien le premier album de Corey que l'on a entre les mains.
C'est beau à en pleurer, et rien que les paroles ont un don pour accrocher les sentiments dans leurs barbelés.
"I want to feel like I feel when I'm asleep.."
Petit anachronisme, mais il est en un sens assez proche du Ἀποκάλυψις de Chelsea Wolfe, devenue maintenant référence dans la folk lo-fi.
On navigue dans un misérabilisme ténébreux entre folk et ambient. Et en réalité ce qui le distingue de la scène lo-fi, c'est bien cette atmosphère, onirique, et à fleur de peau. Et nous, pauvres auditeurs, nous donnons en esclaves à ses hymnes tragiques. L'Antigone de Sophocle passerait presque pour un Happy-end hollywoodien, tant le disque parvient à être touchant dans sa sobriété. C'est irrépressible, on est happé dans la colère rentrée de la batterie en arrière-plan, et hypnotisé par le chant si vulnérable de Barrett. De ce côté c'est à Rivulets que je pense, avec un entrain tout à fait magique et désenchanté.
Mais ce Giles Corey a le bon ton de ne jamais tomber dans les gémissements. On ne se morfond pas, on se perd, on s'oublie, on s’efface face à la fatalité - peut-être l'une des dernières choses que nous partageons tous.
Étrange que de dire cela, mais paradoxalement, cette petite offrande fait un bien fou. Certes déchirant ("Ce qui n'est pas déchirant est superflu, en musique tout au moins." Cioran), cela n'en est pas moins apaisant. On se sent immergé, entouré et bercé par ce flot de beauté dans toute sa simplicité, cette magie qu'un enfant de cinq ans trouve en regardant les nuages. Au fond de ce puits de douleur sans fond, Corey esquisse un sourire. Ce n'est pas un appel au désespoir. C'est un appel au rêve.
Listen, buy, worship, die
Mastering par James Plotkin, dudes.
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